Judas
- Année de publication: 2024
- Éditeur : 404 Graphic (Boom Studios en VO)
- Nombre de pages : 136
- Scénariste: Jeff Loveness
- Dessinateur: Jakub Rebelka
De quoi ça parle?
Judas a trahi Jésus et se retrouve en Enfer. Mais ce n’est que le début de son périple et de son questionnement. Sa trahison était-elle écrite à l’avance? Avait-il réellement le choix?
Et alors, t’as aimé?
Le vilain petit connard
Il y a un peu plus d’un an, je vous avais parlé de la magnifique BD le dernier jour de Howard Phillips Lovecraft illustrée par Jakob Rebelka. Dans cette BD, on faisait se confronter l’image mythique de l’auteur à ce qu’il était réllement. Cette année, 404 Graphic a eu l’excellente idée de nous proposer Judas, un comic qu’il a réalisé avant sa BD sur l’écrivain de Providence. Là, encore, malgré un scénariste différent, on y retrouve l’interrogation d’un personnage mythifié. Tellement séduit par les dessins de l’artiste, c’est sans hésitation que j’ai pris celle-ci chez mon libraire dès sa sortie.
La BD s’ouvre sur la trahison et le suicide de Judas avec ces terribles paroles : « Savais-tu que ce serait moi ? Depuis le début ? » C’est cette question qui va hanter l’apôtre honni pendant une bonne partie de son séjour en Enfer. À travers ce personnage, Loveness et Rebelka vont pouvoir explorer l’archétype du vilain. Un bon héros a besoin d’un bon vilain et la Bible regorge de vilains.Ont-ils véritablement choisi d’endosser le rôle de vilains ? Ou bien est-ce la façon dont leur histoire a été racontée qui les a façonnés ainsi ? Peut-être n’étaient-ils, après tout, que des instruments de la volonté divine. À travers ces questionnements, Judas et un autre illustre proscrit de la Bible vont mettre à mal l’image de Dieu, dressant toutes les contradictions de ce Dieu bienveillant et cruel, écornant également l’image de Jésus qui n’est pas non plus exempt de reproches et de paradoxes. Mais, bien heureusement, les auteurs ne se contentent pas d’une vulgaire charge antireligieuse plutôt facile. Dans sa dernière partie, le récit nous offrira une très belle conclusion, le genre qui donne envie de croire. Non pas en Dieu, mais de croire que c’est ainsi que tout s’est terminé pour Judas et Jésus qu’ils soient des personnages de fiction ou non. Car, loin de tout questionnement théologique, c’est l’histoire de deux hommes plein de doutes que nous suivons.
Comme vous pouvez le voir, Judas est une BD plutôt spirituelle mais bien plus accessible que celle sur Lovecraft. Une connaissance basique des grandes figures judéo-chrétiennes suffit amplement pour comprendre les évènements. Alors, il est fort possible que n’étant pas un érudit, j’ai pu louper certaines références. Néanmoins, je n’ai jamais eu l’impression de passer un côté d’une information. L’histoire est très rythmée et offre des passages vraiment spectaculaires qui font qu’elle se lit d’une traite. Visuellement, on voit que le dessin de Rebelka n’est pas encore aussi abouti. Il y a néanmoins des planches magnifiques, que ce soit dans leur composition, le choix des couleurs ou le graphisme. 404 Graphic les a une nouvelle fois très bien mis en valeur dans une magnifique édition grand format et papier épais. Vous l’aurez compris, c’est une très vive recommandation. Je serai vraiment curieux d’avoir l’opinion d’un croyant, voire d’un théologien, soyons fou, sur cette histoire.