Carbone et Silicium

• Date de publication: 2020
• Éditeur : Label 619
• Tome : One-Shot
• Nombre de pages: 272
• Auteur : Mathieu Bablet

De quoi ça parle?

Le parcours et les réflexions de deux intelligences artificielles à travers l’histoire de l’humanité.

Et alors, t’as aimé?

Intelligence émotionelle

Depuis plusieurs mois, la rumeur bruissait. Le nouveau Mathieu Bablet allait taper très fort. Vu que j’ai adoré toute ce qu’il a fait jusqu’à présent, inutile de vous dire que j’attendais la sortie de Carbone Et Silicium avec une grande impatience. Sans plus d’introduction, voici ce que j’en ai pensé.

Carbone et Silicum est une grande oeuvre de science-fiction et d’une maîtrise redoutable. Comme bien souvent en SF, en nous parlant du futur, Bablet nous parle de notre époque et forcément ce n’est guère réjouissant. Il a su saisir avec beaucoup d’acuité les enjeux de notre société et les thèmes qui deviendront centraux dans un futur proche. Il y a évidemment beaucoup d’histoires qui parlent d’écologie, de vie connectée ou encore des enjeux migratoires. Mais ici, ce que j’ai beaucoup aimé, c’est que Bablet n’appuie jamais le trait ou ne devient jamais didactique, il laisse traîner quelques allusions au détour d’une case ou d’une bulle pour faire comprendre aux lecteurs la situation actuelle et comment on en est arrivé là. Et on peut ainsi voir, en arrière plan l’évolution de la société humaine et de notre planète se dégrader peu à peu de manière inéluctable.

Car les humains deviennent rapidement des éléments de décor d’un récit quise focalise sur les deux androides Carbone et Silicium que l’on suit à travers les décennies. Chaque chapitre nous fait ainsi faire un bond d’une quinzaine d’années dans le futur. La structure du récit m’a ainsi beaucoup fait penser à One Day de David Nicchols qui racontait une histoire d’amour en ne s’intéressant qu’à une journée chaque année. Cette structure du récit est une idée brillante car elle suscite une curiosité et une attente chez le lecteur devoir ce que sont devenus la planète mais surtout nos héros. Car c’est aussi là une des forces de l’histoire, c’est qu’elle est très chargée émotionnellement. L’attachement et l’empathie pour ces deux IA est quasi immédiate et le lecteur souffrira avec eux. La relation contrariée de ces deux êtres attachés l’un à l’autre mais aux aspirations différentes est une vraie réussite et l’occasion de belles joutes verbales et de réflexions philosophiques.

Quelques mots sur la partie graphique car une BD, ce n’est pas qu’un scénario. Et bien, c’est un régal de chaque page. Mathieu Bablet a un talent certain pour créer des mondes et des architectures, et là il met la barre très haut car c’est aussi un tour du monde qu’il nous offre. Les décors sont variés et magnifiés par une mise en couleur qui me laisse toujours la mâchoire pendante. La visite de l’Inde ou d’un lac salé sont époustouflantes. Sa narration est impeccable et fourmille d’idées visuelles pour représenter certains concepts. Et comme d’habitude, l’édition du Label 619 fait tout pour mettre en valeur ce travail graphique.

Vous l’aurez compris, je vous recommande très fortement Carbone et Silicium. Mathieu Bablet progresse d’oeuvres en oeuvres. Et je suis déjà impatient de lire la prochaine.