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Kent State

  • Année de publication: 2020
  • Éditeur : Abrams ComicsArts (VF chez ça et là)
  • Épisodes : One-shot
  • Nombre de pages : 288
  • Auteur: Derf Backderf

De quoi ça parle?

Le 4 mai 1970, quatre étudiants tomberons sous les balles de la Garde Nationale de l’Ohio. 4 jours auront suffi pour faire basculer un campus américain dans l’horreur.

Et alors, t’as aimé?

Who watches the watchmen?

Derf Backderf était jusqu’ici surtout connu pour sa BD « Mon ami Dahmer ». Un récit autobiographique où il racontait sa jeunesse et amitié avec un futur tueur en série. Je n’avais pas été spécialement conquis, mais j’avais beaucoup aimé une de ses oeuvres suivantes, Trashed, sur le quotidien d’un éboueur d’une petite ville américaine. Le ton et l’humour caustique m’avaient beaucoup plu et j’avais remis Backderf sur ma liste des auteurs à suivre. Jusqu’ici Backderf s’était pas mal inspiré de sa vie. Avec Kent State, même s’il fait une courte apparition, il s’agit plutôt d’une oeuvre documentaire. Il a ainsi interrogé de nombreux témoins des évènements, consulté de la documentation et liste d’ailleurs toutes ses références en fin de livre.

Quand on commence la BD, on sait très bien que l’on va droit vers l’horreur. Le sous-titre « Quatre morts dans l’Ohio » est plutôt explicite. Mais comme pour le Titanic, même si on connait la fin, l’important est comment on y arrive. Et le moins qu’on puisse dire est que Kent State est une mécanique implacable et méthodique. Backderf reconstitue méthodiquement les 3 jours qui précèdent la fusillade. On découvre également tout le contexte politique qui entoure cette époque marquée par l’enlisement au Vietnam. On a le droit régulièrement à des planches explicatives qui nous détaillent l’historique d’une organisation gouvernementale ou l’histoire des luttes étudiantes. Ces pauses dans l’histoire pourraient être fastidieuses et un peu rébarbatives et pourtant ce n’est absolument pas le cas. Au fil des pages, on voit la situation se dégrader, les mauvaises décisions être prises et surtout l’incompétence et l’arrivisme d’une classe politique qui a peur de sa jeunesse. En ces périodes de durcissement du maintien de l’ordre en France, le livre a parfois eu quelques échos qui ne m’ont pas rassuré. Il faut bien sûr de ne pas tout mettre au même niveau. Mais, on voit bien ici comment une organisation chargée de protéger le peuple peut se retourner contre lui quand elle est mal dirigée.

Mais si Kent State se bornait au factuel, il n’aurait pas beaucoup plus d’intérêt qu’un fiche wikipedia. Là où l’oeuvre de Backderf est cruelle est qu’il redonne vie aux morts. Car Kent State, c’est aussi le récit du quotidien de plusieurs étudiants. On découvre leurs amis, leur passion et leurs inquiétudes. La plupart ne sont d’ailleurs pas vraiment politisés et sont plutôt focalisés sur leurs études. Les petits détails de cette vie de tous les jours leur donnent chair et coeur. Malgré nous, on s’attache à eux alors que l’on sait que tous ne survivront pas. Et quand finalement, la fusillade éclate, c’est le coeur serré qu’on les voit tomber un par un. Backderf alternant description clinique de la mort et témoignage des proches sur la personnalité du mort.

Avant de conclure, je voudrais ajouter quelques mots sur le dessin de Backderf. Je trouve qu’il a encore évolué et qu’il a ici réalisé une oeuvre de très haut niveau. Il y a tout d’abord un très gros travail sur le design des personnages qui sont tous immédiatement identifiables, ce qui permet au lecteur de suivre sans problème le déroulement de l’histoire. Il y a ensuite ce découpage qui rend la lecture fluide et surtout permet aux lecteurs d’emmagasiner un bon paquet d’infos sans que ce soit indigeste.

Vous l’aurez compris, je vous recommande vivement de lire Kent State. Même si c’est un récit sur des évènements concernant une fac de l’Ohio, je pense qu’on a tous beaucoup à en retirer. Et c’est surtout une bande-dessinée comme on en lit rarement et qui m’a vraiment marquée.

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