Provenance

• Année de publication: 2017
• Pages: 440
• Autrice: Ann Leckie
• Illustrateur de la couverture: John Harris
• Editeur: Orbit (J’ai lu en VF)

De quoi ça parle?

Ingray est la fille adoptive d’une grande politicienne de son monde natal, Hwae. Pour être dans ses petits papiers et qui sait, lui succéder, Ingray va tenter un gros coup. Misant tout ce qu’elle a et même plus, elle va partir à la recherche de vestiges perdus de son peuple. Mais rien ne va se passer comme prévu.

Et alors, t’as aimé?

En a-t-on trophées?

Ann Leckie a publié son premier roman, la Justice de l’Ancilliaire à 47 ans en 2013. Cette histoire de SF est rapidement devenue une bête de concours, remportant entre autres les prestigieux prix Hugo et Nebula. Le prix Hugo a, par exemple, récompensé des oeuvres comme Dune ou le Maître du Haut-Chateau. On peut penser ce qu’on veut des distinctions, mais avoir un Hugo est quand même un bon signe en terme de qualité. Et effectivement, j’avais adoré la justice de l’ancilliaire et ses deux suites, l’Épée et la Miséricorde de l’Ancillaire. Le style de Leckie que, beaucoup avaient trouvé aride, m’a tapé dans l’oeil. J’ai beaucoup aimé sa manière de traiter des intelligences artificielles et de ce qui définisssait un individu tout en offrant une histoire ambitieuse aux répercussions galactiques. C’est donc enthousiaste et curieux de voir si elle confirmait que j’ai attaqué Provenance, son nouveau roman de SF.

Leckie, libre, s’est maintenue

J’ai retrouvé avec plaisir le ton et le style d’Ann Leckie: drôle et efficace. Une fois le livre entamé, il est difficile de le lâcher. Elle arrive à brosser rapidement le caractère de ses personnages et reste assez chiche en description, laissant l’imagination du lecteur faire le reste. C’est quelque chose que j’apprécie beaucoup chez elle. Elle fournit le nécessaire pour comprendre la situation, le contexte et l’allure générale de décors ou des personnages mais ne rentre jamais dans les détails, préférant se concentrer sur son intrigue. Intrigue qui va surtout se baser sur des guerres de pouvoirs et des machinations. Les évènements racontés sont concomitants à ceux de la fin de la trilogie de l’Anciliaire qui sont brièvement évoqués. Mais il me semble que Provenance peut se lire indépendamment. C’est avec joie que j’ai exploré ce nouveau coin de l’univers créé par Leckie. Comme dans l’Ancilliaire, elle joue avec la notion de genre. Dans la trilogie, tous les personnages étaient nommées au féminin de par la culture du Radch. Ici, les habitants ont trois genres : hommes, femmes et Neman, genre neutre qui possède ses propres pronoms et noms et qui a du donner du fil à retordre au traducteur, Patrick Marcel, déjà présent pour la trilogie.

Les choses que nous possédons finissent par nous posséder.

Toutefois, je suis resté un peu sur ma faim concernant l’ambition de l’histoire qui semble plus anecdotique par ses enjeux ou ses thématiques que ne l’était l’Ancilliaire. Il y a bien des idées intéressantes comme celles de l’importance des vestiges et des symboles pour la construction d’un récit et d’une identité nationale. Les habitants d’Hwae donnent beaucoup d’importance et de valeur aux souvenirs. Cela peut aller d’un simple carton d’invitation à une grande soirée mondaine vieille d’un siècle au traité qui marque la prise d’indépendance de la planète. Il s’agit de l’équivalent de la Déclaration des droits de l’homme pour la France ou celle d’indépendance pour les Etats-Unis. Mais que se passerait-il si l’on découvrait que ce document fondateur est un faux? Le symbole est-il plus fort que la vérité? C’est une des thématiques qui sera explorée au cours du récit. Même si elle ne sera pas poussée très loin dans ses retranchements. Pour le reste, cela reste assez linéaire et classique que ce soit au niveau des enjeux ou de l’évolution des personnages. On ne s’ennuie pas, c’est un vrai page-turner. Mais il n’y a pas l’effet « wahoo!» que j’ai pu ressentir dans son récit précédent.

La SF, elle sait faire

Provenance est un roman de SF efficace et prenant qui offre quelques pistes de réflexion intéressante. Mais il souffre de la comparaison avec les romans précédents de l’autrice. Moins ambitieux, plus classique, il est un cran en dessous. Mais si je ne lisais que des histoires de ce niveau, je serai le plus heureux des lecteurs. Pour son dernier roman, Leckie semble avoir laissé la SF de côté pour s’attaquer à la fantasy. Je suis vraiment impatient de voir ce que son style va donner sur ce genre et ce qu’elle va apporter pour le renouveler.